Journée internationale Nelson Mandela

La conférence annuelle prononcée par Barack Obama

A l’occasion du centenaire de Nelson Mandela, les éditeurs américains Liveright Publishing Corporation publient les Lettres de prison du plus célèbre militant anti-apartheid. Au cours de ses 27 longues années d’emprisonnement Mandela a entretenu une correspondance prolifique avec sa famille, les autorités et une grande diversité d’hommes et de femmes croisés sur son parcours de militant anti-apartheid. Rassemblée en un seul volume, cette sélection de 255 lettres, ont paru simultanément, presque en toutes les langues officielles, aux éditions Robert Laffont. Le clou des célébrations sera, la Conférence annuelle du 17 juillet en l’honneur de Nelson Mandela à Johannesburg, prononcé cette année par l’ancien président américain Barack Obama

 

1918-2018, cela fait un siècle pour Nelson Mandela. Le 18 juillet, la date de naissance de l’ancien président, sud-africain, est devenue désormais la Journée internationale Nelson Mandela. Centenaire oblige, durant les prochaines semaines et mois, les médias ont de nouveau beaucoup parler de ce premier président noir de l’Afrique du Sud de la période post-apartheid. La publication mondiale de ses Lettres de prison marque le début des festivités organisées pour le centenaire de Mandela en Afrique du Sud et à l’étranger. Le programme des hommages et des festivités prévus pour cette occasion a été dévoilé dès 2017. Le clou des célébrations sera sans doute la Conférence annuelle du 17 juillet en l’honneur de Nelson Mandela à Johannesburg, prononcé cette année par l’ancien président américain Barack Obama. Lancée en 2003, du vivant de Madiba, la conférence a pour thème cette année : « Renouveler l’héritage de Nelson Mandela et promouvoir la citoyenneté active dans un monde en mutation ».  A la sortie de prison de Mandela, il y avait un besoin de récits pour remplir les cases vides concernant la vie de cet homme voué à prendre les rênes du pays, après la chute de l’apartheid. Selon Verne Harris, directeur du service des archives à la Fondation Nelson Mandela à Johannesburg, Mandela faisait partie du mythe de création de la nouvelle Afrique du Sud. Ce qui explique que ses mémoires ont dû passer par les fourches caudines des écrivains professionnels, notamment de Richard Stengel du Time magazine, alors que les correspondances restituent sans médiation la réalité brute des faits et des sentiments, saisis en temps réel, permettant aux lecteurs de toucher du doigt l’homme privé et intime derrière le masque de l’homme d’Etat. L’idée de publier les Lettres de prison est sans doute née de ce besoin du public sud-africain de connaître le vrai Mandela. A en croire Sahm Venter, chercheuse à la Fondation Nelson Mandela à Johannesburg et Verne Harris, directeur à la même institution, l’idée serait née en 2004 lorsqu’ils sont tombés sur les archives du Département des prisons. Les correspondances de Mandela remplissaient 59 classeurs, comportant également les carnets à couverture rigide dans lesquels le futur président recopiait ses lettres avant de les remettre pour qu’elles soient envoyées à leurs destinataires. Cela montre déjà le trait de caractère de l’expéditeur, qui savait que ses lettres étaient lues par le bureau de la censure. Ce dernier pouvait très bien ne pas les envoyer, ce qui était souvent le cas, notamment quand les censeurs estimaient que les expéditeurs contrevenaient aux règles « draconiennes » concernant les courriers des prisonniers politiques. Pendant les premières années de leur incarcération, ils avaient le droit d’écrire ou de recevoir une lettre de cinq cents mots, pas un de plus. Certains mots tels que « guerre » étaient bannis tout comme des sujets portant sur les conditions de détention.  « Malgré la censure permanente des bureaucrates, le prisonnier Nelson Mandela est devenu un épistolier prolifique », écrit Sahm Venter, l’éditrice du volume qui paraît cette semaine. Ce volume est le fruit d’un travail de plus de dix ans, avec des centaines de lettres recueillies dans différentes collections et archives, triées, déchiffrées, certaines censurées au point d’être illisibles, retardées ou jamais envoyées par le service des courriers. Le volume compte en tout 255 lettres, dont certaines ont été publiées dans un précédent livre (Conversations avec moi-même, 2010), mais la plupart sont inédites. Elles s’adressent aux autorités carcérales, au gouvernement, aux compagnons de lutte de Madiba, et surtout à la famille, à son épouse Winnie Mandela et à ses cinq enfants et plus tard, à ses petits-enfants.  Elles révèlent l’aspect méconnu de la personnalité intime de Mandela, le père de la nation était un homme amoureux de sa femme Winnie dont il admirait l’engagement sans faille à la cause des Noirs et sa force de caractère.  Zenani a trois ans et sa sœur Zindzi deux ans, lorsque leur père est arrêté et emmené en 1962. Le futur président n’aura pas le droit de voir ses filles avant qu’elles aient 16 ans.  Il s’en veut à lui-même, à l’histoire de son pays qui exige ce genre de sacrifices inacceptables de ses citoyens, aux autorités pénitentiaires, comme l’illustre son courrier de réclamations au directeur de prisons auprès duquel il se plaint du non-envoi de ses lettres

Une vie hors de l’apartheid

Enfin, ce qui frappe aussi dans ces Lettres de prison, c’est le rapport d’égal à égal que leur auteur entretenait avec les autorités. Le ton est donné dès les premières lettres datées des années 1960, plaidant pour que les droits des prisonniers soient respectés, pointant du doigt les injustices du régime, ou faisant au ministre de la Justice des leçons d’histoire. Emerge à travers ce volume de plus de 750 pages, l’image d’un homme toujours digne, sans la moindre obséquiosité dans la tonalité même quand son auteur demande des services pour lui-même ou les siens emprisonnées avec lui. C’est sans doute cela la véritable leçon des Lettres de prison de Nelson Mandela. Dans ces pages, c’est avec ses mots que le futur père de la nation déconstruit l’apartheid et construit cette société multiculturelle et juste qu’il voudrait installer.

Par Wakiyatou KOBRE

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