Simone Gbagbo, amnistié et quelques 800 autres personnes

Situation socio-politique en Côte d’Ivoire

A l’occasion de la 58e fête de l’indépendance, Alassane Ouattara a annoncé le lundi 6 août l’amnistie de près de 800 personnes poursuivies ou condamnées après la crise de 2011 en Côte d’Ivoire, en particulier l’amnistie de Simone Gbagbo, épouse de l’ancien président aujourd’hui emprisonné au centre de détention de la Cour pénale internationale de La Haye. Il s’est exprimé à la télévision, à la veille de la fête de l’indépendance dans un message, à la nation, très axé sur le thème de la réconciliation nationale, de l’unité et de la paix. 

« En raison de mon attachement à la paix, et à une réconciliation vraie, j’ai procédé ce lundi 6 août 2018 à la signature d’une ordonnance portant amnistie » a-t-il déclaré.  Alassane Ouattara évoque d’abord le processus de réconciliation après la crise postélectorale de 2010 et 2011 qui a fait près de 3 000 morts. Et c’est au nom de la paix qu’il annonce la signature d’une ordonnance pour amnistier près de 800 personnes poursuivies ou condamnées lors de cette crise. Cependant, le président ivoirien précise qu’une soixantaine de militaires et de membres de groupes armés ayant commis des crimes de sang resteront en prison.  Parmi les personnalités concernées par cette amnistie, Simone Gbagbo, la femme de l’ex-président Laurent Gbagbo. Également, l’ancien ministre de la Défense Lida Kouassi condamné pour complot et l’ancien ministre de la Construction Assoa Adou condamné pour trouble à l’ordre public. Enfin, Souleymane Kamaraté (dit « Soul to Soul »), proche du président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro.  Condamnée une première fois à 20 ans de réclusion pour atteinte à la sûreté de l’Etat, acquittée, la seconde fois dans son procès pour crime contre l’humanité, Simone Gbagbo n’a jamais reconnu aucun des chefs d’inculpation et la Cour d’Assises d’Abidjan a eu bien du mal à confondre indubitablement l’accusée et ses agissements supposés. Décrite comme profondément pieuse, cette universitaire, cofondatrice du Front populaire ivoirien a toutes les raisons d’en vouloir à celui qui l’a amnistiée.  Simone Gbagbo, qui jure depuis n’avoir aucune rancœur vis-à-vis de ses ennemis, reste une femme aussi brillante que controversée. Aussi, une femme de fer dont l’on ne saura sans doute jamais quel fut son rôle exact dans les événements de la crise postélectorale.   Pour maître Ange Rodrigue Dadjé, c’est un grand soulagement, une grande joie également, pour le compte de l’équipe de défense

Le jeu politique est ouvert

En libérant Simone Gbagbo, certains observateurs de la vie politique ivoirienne estiment qu’il libère, potentiellement, une candidate pour l’échéance de 2020, même si lors de son discours, le chef de l’Etat a insisté à ce qu’il faut travailler à transférer le pouvoir à une nouvelle génération.   Un travail qui, consiste, à l’exclut lui de cette course ainsi qu’Henri Konan Bédié ou encore Simone Gbagbo qui, eux, appartiennent chaque jour un peu plus à l’ancienne génération, si l’on comprend bien.  Parmi les réactions au sein de la majorité présidentielle le porte-parole du rassemblement des républicains, le parti d’Alassane Ouattara, Mamadou Touré salue, en disant que c’est un tournant décisif dans la vie de la nation qui va dans le sens de la consolidation de la paix et de la stabilité. « Il n’y a aucun calcul politique dans l’acte posé par le chef de l’Etat », ajoute-t-il.  Sidiki Konaté, lui, proche de Guillaume Soro, estime que c’est un pas de géant dans la réconciliation politique entre les Ivoiriens. « Partout en Côte d’Ivoire c’était la joie et Simone Gbagbo amnistiée prendra son poids politique si elle le veut bien et il est souhaitable que tous les acteurs politiques puissent s’exprimer », conclut le ministre de l’Artisanat.  Mais les réactions les plus enthousiastes sont évidemment du côté du front populaire ivoirien (FP), le cofondateur du FPI Abdouramane Sangaré savourait le champagne avec ses camarades de lutte politique. Sangaré qui salue cette amnistie comme un geste d’apaisement.  Quant au président du FPI Pascal Affi N’Guessan, lui parle d’un acte important et historique pour la paix. Enfin, le PDCI, allié d’Alassane Ouattara, remercie la communauté internationale qui a œuvré, dans le secret, pour faciliter cette décision, qui contribuera à une décrispation de la vie politique.

Par Wakiyatou KOBRE

(Visited 1 times, 1 visits today)