Artisanat :Quand l’artiste Sammy Baloji souhaite réactiver la mémoire de l’art africain

L’artiste congolais Sammy Baloji présente aux Beaux-Arts de Paris en France une œuvre qui « réactive la mémoire » de l’art africain et « se réapproprie » cette histoire, nous indique l’AFP.

« C’est l’espace vide de l’Histoire qui m’intéresse. Je veux faire parler ces espaces oubliés », a expliqué à l’AFP l’artiste de 41 ans, originaire de Lubumbashi (sud de la République démocratique du Congo), et qui dit travailler sur « les généalogies ». L’artiste tente de par ses œuvres de révéler l’identité de l’art africain. Sammy Baloji a gravé sur sept plaques de bronze (« Negative of luxury cloth ») les motifs des tissus et coussins que le roi du Kongo, autrefois royaume de l’Afrique du Sud-Ouest, et qu’il envoyait au XVIe siècle vers le Portugal et le Vatican comme cadeaux diplomatiques, nous indique l’AFP. Sur ses tableaux aux couleurs vives et à l’énergie cinétique (« Wunderkammer, work in progress »), Sammy Baloji a repris les fils verticaux des métiers à tisser traditionnels. « Le tissage est une des techniques que nous partageons tous, et même l’ordinateur fonctionne sur son système binaire », explique l’artiste. Également suspendues au-dessus de ses œuvres, quatre tentures des Indes , des tapisseries du XVIIIe siècle de la Manufacture des Gobelins, représentant des personnes noires dans des univers fantasmés.

C’est seulement dans les années 1920 que naîtra le concept d’ »art nègre »

Sammy Baloji s’est beaucoup documenté afin de s’inspirer de ses œuvres. En effet, la recherche sur l’histoire oubliée, il l’a faite dans des archives et auprès des musées. Les échanges entre le roi du Kongo de l’époque, converti au christianisme, le Vatican et le Portugal, les allées et venues des marchands et des jésuites : ce relatif équilibre sombre avec le commerce triangulaire et la déportation vers l’Amérique des populations. Il faut noter que Sammy Baloji travaille dans ses œuvres avec le bronze obtenu à partir de l’extraction du cuivre faite au niveau de l’usine de la Gécamines, depuis la ville de Lubumbashi  où l’artiste a grandi. « Le cuivre, ça avait commencé avec la production de croix à destination de l’Europe », raconte-t-il. Sammy Baloji a enquêté sur l’itinéraire des objets venus en Europe. Beaucoup, amenés par les jésuites, qui étaient venus en Afrique pour le commerce à l’époque, ont été exposés dans les cabinets de curiosité à la Renaissance, avant de perdre leur identité propre dans des musées d’histoire naturelle et des expositions universelles, explique-t-il. Et c’est seulement dans les années 1920 que naîtra le concept d’ »art nègre ». Les Beaux-Arts ont ouvert leur plus belle salle à cet artiste qui s’impose sur la scène contemporaine pour sa création puissante soutenue par une réflexion sur la colonisation.

Pierre Oued.

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