DANS ORION, LA NAISSANCE D’UNE ÉTOILE

La scène se déroule, infiniment lente, dans le chaos immobile de la nébuleuse NGC 2174, au sud de la constellation d’Orion. Là, à 6400 années-lumière de la Terre, une étoile est en train de naître. C’est le télescope spatial Hubble qui a saisi, dans l’immense nébuleuse, qui s’étend sur des dizaines d’années-lumière, l’invisible événement. Invisible oui, au sens littéral du terme puisque l’image prise en 2001 dans le domaine visible – les longueurs d’onde auxquelles l’œil humain est sensible, n’a rien vu. Mais en 2014, armé d’une caméra infrarouge, le télescope spatial a rendu la nébuleuse transparente, et dans ces nuées d’hydrogène, il a vu l’étoile naissante, en pleine contraction, qui organise autour d’elle un disque de matière en rotation et éjecte, par ses deux pôles, d’immenses jets de plasma…

La nébuleuse NGC 2174 a été photographiée par le télescope spatial Hubble, en lumière visible, en 2001, à gauche. En 2014, la nébuleuse a été de nouveau photographiée par Hubble, dans le rayonnement infrarouge. Photos Nasa/ESA/STSCI.
La nébuleuse NGC 2174 a été photographiée par le télescope spatial Hubble, en lumière visible, en 2001, à gauche. En 2014, la nébuleuse a été de nouveau photographiée par Hubble, dans le rayonnement infrarouge. Photos Nasa/ESA/STSCI.

La comparaison des deux images, visible et infrarouge, donc, est fascinante. Mais tout d’abord, les données techniques : l’image optique de 2001 a été prise à quatre longueurs d’onde, 502, 656, 676 et 814 nanomètres. Des couleurs verte et rouge, donc, plus une incursion dans l’infrarouge très proche (814 nm). L’image infrarouge, elle, a été prise à des longueurs d’onde complètement invisibles : 1005, 1250 et 1600 nanomètres, soit 1, 1,25 et 1,6 micromètre. L’image infrarouge est, même si cela ne se voit pas ici, très légèrement moins « nette », résolue, disent les astronomes, que l’image optique. Pour fixer les idées, la capacité de résolution de Hubble, dans l’infrarouge, avoisine 0,1 » (0,1 seconde d’arc, il s’agit d’un angle). Ce chiffre, qui peut sembler abstrait, abscons pour les non initiés, est décisif, puisque c’est le pouvoir de résolution d’un télescope qui nous permet de mieux comprendre ce que l’on voit sur les images du ciel qu’il prend : 0,1 » , à 6400 années-lumière, cela représente 30 milliards de kilomètres… C’est la taille du plus petit détail, du pixel, disons, de ces images. Pas étonnant, dès lors, qu’en près de quinze ans, les tumultueuses volutes de NGC 2174 semblent n’avoir pas bougé… En réalité, elles sont soufflées à plusieurs dizaines de kilomètres par seconde par le rayonnement puissant des jeunes étoiles qu’elles ont fait naître voici quelques millions d’années, et que l’on voit à droite de l’image. Mais si les images de la nébuleuse semblent figées, on peut toutefois deviner le drame cosmique qui se joue dans Orion : regardez, toutes les volutes de la nébuleuse sont parcourues d’un liseré brillant : c’est là, sur le front d’ionisation, que le rayonnement des jeunes étoiles chauffe, érode et souffle lentement la nébuleuse, qui finira par s’évaporer dans l’espace interstellaire.

Au centre de l’image infrarouge prise par le télescope spatial Hubble, une étoile naissante expulse des jets de gaz. Photo Nasa/ESA/STSCI.
Au centre de l’image infrarouge prise par le télescope spatial Hubble, une étoile naissante expulse des jets de gaz. Photo Nasa/ESA/STSCI.

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