DÉCOUVERTE : DES ANNEAUX AUTOUR DE L’ASTÉROÏDE CHARIKLO !

C’était il y a près d’un an, le 3 juin 2013. Les astronomes avaient calculé que Chariklo, un lointain astéroïde qui tourne entre Saturne et Uranus, à deux milliards et cinq cent millions de kilomètres de la Terre, allait éclipser une étoile de la constellation du Scorpion, UCAC4 248-108672. Ce phénomène d’occultation stellaire, les astronomes les adorent : ils leurs permettent d’étudier avec une précision inespérée des astres, planètes, satellites, astéroïdes, autrement bien trop lointains et minuscules pour être détaillés avec un télescope terrestre. Lorsque cette occultation a été prédite, plusieurs télescopes installés dans l’hémisphère sud, puisque le phénomène était visible seulement dans le ciel austral, ont été orientés vers cette étoile. Au Brésil, en Argentine, au Chili, en Uruguay, les caméras ultrarapides ont donc enregistré en temps réel la lumière de l’étoile et celle de l’astéroïde, infime : Chariklo ne dépasse pas la dix huitième magnitude… Le but ? Dater précisément, dans chaque station, le début de l’occultation et sa durée, dans l’espoir de mesurer précisément le diamètre de l’astéroïde et déterminer sa forme.
Une observation de routine, pour les astronomes spécialisés dans les astéroïdes… Sauf que… Ce 3 juin 2013, juste avant le début de l’occultation de l’étoile UCAC4 248-108672 par l’astéroïde Chariklo, l’étoile a connu deux baisses de lumière inattendues, puis de nouveau deux autres, après l’occultation proprement dite ! La symétrie des observations, avant et après l’occultation, et leur multiplicité, dans plusieurs observatoires, a permis finalement à l’équipe internationale dirigée par Felipe Braga-Ribas, Bruno Sicardy et leurs nombreux collaborateurs de comprendre le phénomène observé : nos astronomes ont découvert le premier système d’anneaux tournant autour d’un astéroïde ! Ces deux anneaux, baptisés officieusement Oiapoque et Chui par l’équipe de Felipe Braga-Ribas, sont très fins et transparents. Ils mesurent environ 6 km de largeur pour l’un, 6 km pour l’autre et sont séparés l’un de l’autre par une quinzaine de kilomètres. Enfin leur diamètre avoisine 800 km seulement !

Voici l’occultation d’une étoile par l’astéroïde et ses anneaux, vue depuis huit observatoires d’Amérique du Sud. Les pointillés représentent la trajectoire apparente de l’étoile par rapport à Chariklo, depuis chaque site. En recombinant les données spatio temporelles des huit observations, le diamètre, la forme de l’astéroïde ont pu être reconstituées, ainsi que la position, l’épaisseur et la transparence des anneaux. Document ESO.
Voici l’occultation d’une étoile par l’astéroïde et ses anneaux, vue depuis huit observatoires d’Amérique du Sud. Les pointillés représentent la trajectoire apparente de l’étoile par rapport à Chariklo, depuis chaque site. En recombinant les données spatio temporelles des huit observations, le diamètre, la forme de l’astéroïde ont pu être reconstituées, ainsi que la position, l’épaisseur et la transparence des anneaux. Document ESO.

Jusqu’à cette découverte tout à fait surprenante, on connaissait dans le système solaire quatre planètes entourées d’anneaux, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Mais personne ne s’attendait à ce qu’une structure aussi complexe et fragile puisse exister autour d’un aussi petit corps que Chariklo. Les scientifiques supposent que ces anneaux se sont formés après une collision à la surface de l’astéroïde. La matière expulsée se serait réorganisée ensuite en orbite. Mais depuis quand cette structure existe-t-elle ? Et pourquoi deux anneaux ? Y a-t-il aussi de petits satellites en orbite autour de l’astéroïde ? Cette découverte étonnante ouvre un pan nouveau de recherches aux astronomes qui étudient l’origine et l’évolution du système solaire.

Les minuscules anneaux de Chariklo ne mesurent que 800 kilomètres de diamètre. Illustration ESO/L. Calçada/M. Kornmesser/Nick Risinger.
Les minuscules anneaux de Chariklo ne mesurent que 800 kilomètres de diamètre. Illustration ESO/L. Calçada/M. Kornmesser/Nick Risinger.

Un dernier point : les astronomes n’ont pas obtenu de photographies de l’astéroïde et ses anneaux, leurs caractéristiques ont été calculées à partir de la datation précise et de la durée de l’occultation de l’étoile par l’astéroïde dans chaque station d’observation. Cette absence d’images explique que ce billet soit illustré par des vues d’artistes. Mais peut-on espérer une prochaine prise de vue de l’astéroïde et de ses anneaux par un puissant télescope ?
Hélas non. Pour le télescope spatial Hubble, ou pour un télescope géant sur Terre, Chariklo et ses anneaux tiennent dans quelques pixels seulement : le diamètre apparent du système avoisine 0,08 seconde d’arc. Aucun télescope, dans un avenir prévisible, n’obtiendra d’images de ce monde étrange, sauf à espérer une mission spatiale qui irait le visiter, dans vingt ou trente ans…

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