Interview du Pr Karifa BAYO ancien Président de l'Université de Ouagadougou

INTERVIEW DU PROFESSEUR KARIFA BAYO ANCIEN PRESIDENT DE L’UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU

« Dans une université d’Etat, il faut, en même temps qu’on travaille pour l’excellence, donner la capacité à ceux qui ne sont pas très bons de pouvoir faire aussi un petit chemin. »Le Professeur Karifa, BAYO, Président de l’Université de Ouagadougou dans les colonnes de Sciences-Campus Info, nous mène au cœur de l’université. Son rôle de Président, les problèmes de l’université de Ouagadougou, le bien fondé du LMD,….Interview du Pr Karifa BAYO ancien Président de l'Université de Ouagadougou

SCI : Bonsoir Professeur, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de SCI ?

Pr K.B : Bonsoir, Je me nomme Karifa BAYO, je suis Professeur titulaire en chimie minérale et Président de l’Université de Ouagadougou.

SCI : Président de l’Université de Ouagadougou, nous sous-entendons que vous avez connu un parcours et pour  les lecteurs, nous allons vous inviter à évoquer votre parcours universitaire jusqu’à votre agrégation.

Pr K.B : Il y’a la parcours académique et puis il y’a le parcours administratif. Professeur titulaire,  ça veut dire qu’évidemment il a  fait les étapes d’Assistant dans la discipline, ensuite de Maître de conférences et de Professeur titulaire.

Et dans notre pays, la seule voie reconnue par l’Etat burkinabè c’est la voie du CAMES.  Cela veut dire que chaque année au mois de juillet  le CAMES se réunit pour ceux qui font ce qu’on appelle la voix longue et à côté nous avons nos collègues médecins, juristes et économistes qui font ceux qu’on appelle l’agrégation pour accéder au grade de Maître de conférence.   Eux aussi ils ont la voix longue là-bas mais nous ne sommes pas en chimie, l’agrégation c’est l’agrégation de lycée mais pas l’agrégation universitaire en chimie.

SCI : Pour le profane, quel est l’impact de votre spécialisation pour le développement du Burkina-Faso?

Pr K.B : Ça commence déjà, un pays comme le notre sa richesse la plus importante, la plus essentielle, c’est d’abord les ressources humaines. Ca veut dire que le fait d’avoir ce niveau universitaire permet de participer à la formation de la relève sur le plan universitaire. Et il y’a aussi la contribution en termes d’enseignement que nous faisons. Je pense que les premiers impacts au niveau de l’université c’est cela, c’est-à-dire arriver à dispenser les cours dans certaines disciplines, assurer l’encadrement des étudiants  jusqu’en fin de premier et second cycle. Et avoir le rang A ça permet aussi d’encadrer même les futurs docteurs qui vont assurer la relève sur le plan universitaire. Je pense que c’est l’impact le plus visible.

Maintenant sur le plan de la recherche ça vise quand même à donner des aptitudes aux uns et aux autres, en tout cas ceux qu’on encadre là pour pouvoir se poser un certain nombre de problèmes et adopter une certaine démarche pour proposer des solutions.

Maintenant ce que moi-même je fais en matière de recherche, je travaille sur des complexes c’est-à-dire des grosses molécules, leurs voisines ce sont la chlorophylle par exemple c’est-à-dire ce qui fait que les feuilles sont vertes, il y’a les hémoglobines c’est à dire les globules rouges quand on passe dans l’organisme humain, il y’à les semi-conducteurs sur le plan de l’électronique. Il y’a un certain nombre d’aspects qu’on aborde. Maintenant entre le chercheur qui pose des préoccupations et  qui essaie d’apporter des réponses ou des tentatives  de réponse et la mise en application des résultats de la recherche, il y’a un autre profil qu’il faut pour ça. Je pense que souvent c’est là un peu la confusion, parce que les gens disent  mais les chercheurs, ils cherchent mais ils ne trouvent pas. Non on trouve, maintenant l’exploitation de ce qu’on a trouvé selon le domaine où  on se trouve c’est plus ou moins facile. Si vous êtes dans ce qu’on appelle la recherche appliquée, bon la recherche appliquée  est très proche des préoccupations quotidiennes. Maintenant lorsqu’on fait la recherche fondamentale, ça c’est des lois lui président à un certain nombre de phénomènes ou à un certain nombre de propriétés qu’il faut maitriser. Si on veut même faire  de  la recherche appliquée, il faut avoir une bonne recherche fondamentale assez solide. C’est peut-être un peu ça le problème avec le Public.

SCI : Vous êtes Président de la plus grande université publique du Burkina Faso notamment l’Université de Ouagadougou, dites-nous Professeur, quel est le rôle d’un Président d’Université ?

Pr K.B : Le rôle d’un Président c’est d’impulser la politique de l’Etat en matière d’enseignement supérieur dans ses organes là que sont les universités, les autres instituts supérieurs. C’est le rôle du Président. Cela veut dire qu’à sa nomination, il a une lettre de mission où l’Etat donne sa vision de l’enseignement supérieur au Burkina Faso et on lui donne des axes aussi sur lesquels il doit agir pour que cette politique puisse être une réalité au niveau des universités. C’est un coordonnateur, c’est un chef d’orchestre en fait. C’est un peu partout comme dans les autres départements.

SCI : Et en tant que chef d’orchestre de cette université, quel diagnostic faites-vous de l’enseignement supérieur burkinabè ?

Pr K.B : Ça dépend de là où on se place. Quand on apprécie un système comme l’enseignement supérieur on peut faire une appréciation absolue. C’est-à-dire je prends l’Université de Ouagadougou, je ferme les yeux sur ce qui se passe partout dans le monde, partout en Afrique, partout dans la sous-région, je traite l’Université de Ouagadougou en absolue en tant qu’universitaire pur et dure, là je vous dirai que l’Université est très malade.Ça veut dire que le choix politique avec nos moyens, il n’y a pas de cohérence. Maintenant si on dit de placer notre système d’enseignement dans ce qui se passe dans la sous-région surtout dans l’espace francophone, l’Université de Ouagadougou est une très bonne université malgré cette maladie.

SCI : L’Université de Ouagadougou est une bonne université malgré cette maladie, et aujourd’hui à l’instar de certaines universités africaines, que dites-vous des retards dans le calendrier universitaire ?

Pr K.B : Ce n’est pas un problème sorcier, lorsque l’Etat  dit que tout le monde doit aller à l’université, il faut des structures, des infrastructures, il faut des équipements, il faut des ressources humaines pour les accueillir. Maintenant est-ce que c’est un choix efficient de dire que tout le monde peut aller à l’université à condition qu’il ait le BAC. Je pense que c’est des interrogations qu’il faut se poser. Ça ce n’est pas le choix du Président, c’est le choix de l’Etat.

Moi j’ai une lettre de mission qui est définie par l’Etat. L’Etat me dit je dois admettre tout le monde. Je suis technicien, si on me demande  est ce que monsieur le Président ça c’est votre avis, peut-être ce serait nuancé. Mais si je suis à la tête d’un organe de l’Etat, nous appliquons la politique de l’Université. Mais quand les gens nous parle souvent je leur dis excusez-nous, vous nous insultez. Prenez une boite privée, pourquoi on n’a pas ces problèmes de massification dans le privé ? Mais ce sont nos enseignants qui animent ces universités. Est-ce que parce qu’ils ont quitté le cadre de l’université, ils deviennent plus intelligents là-bas? Non, c’est parce que ici il y’a un paramètre qui gêne c’est que tout le monde doit accéder à l’université malgré nos capacités qui sont limitées. C’est un choix politique, ça ce n’est pas le Président. Si c’est le Président, je réunis mon conseil et je dis combien d’étudiants nous sommes à même de prendre. Quels sont les critères d’excellence qu’il faut fixer pour les prendre, la question est résolue. Mais c’est une université d’Etat, le problème est tout autre. Maintenant dans une université d’Etat, il faut, en même temps qu’on travaille pour l’excellence, donner la capacité à ceux qui ne sont pas très bons de pouvoir faire aussi un petit chemin. Mais sinon, si on nous disait aujourd’hui, faites de l’Université de Ouagadougou une université d’excellence au sens propre du terme, mais au lieu d’accueillir quatorze mille (14 000) étudiants peut être nous en accueillerons mille (1 000) ou  mille deux cent (1200). Mais que ferons les autres qui ne seront pas accueillis à l’Université et qui n’ont pas les moyens d’aller se plaindre ailleurs. Malheureusement ceux-là même pour lesquels on fait ce sacrifice, c’est eux même qui sortent prendre le micro pour dire que l’Université c’est ceci c’est cela. Alors que si on veut appliquer certains critères que eux même ils sollicitent, ils ne seront plus là. Ça c’est clair. Il suffit de voir à côté de nous, le privé, il y’en a qui ont  deux cent (200) étudiants, il y’en a qui ont trois cent (300) étudiants et ça fonctionne très bien. Mais qui les conseille ? C’est nous. Mais pourquoi nous même là où nous sommes ça ne fonctionne pas ? Parce que c’est une Université d’Etat. Et lorsque l’université prend l’allure d’un service public ; au Burkina, je dirai en toute honnêteté, l’université est un service social. Ça coute moins cher que la maternelle. C’est un service social. Et même en maternelle quand vous payez, qu’est-ce qu’on vous donne en retour ? Ici vous payez quinze mille (15000) FCFA, vous pouvez avoir une bourse qui rembourse ces  quinze mille (15 000)FCFA, vous pouvez avoir l’aide qui rembourse ces  quinze mille (15 000)FCFA, vous pouvez avoir le Fond National pour l’Education et la Recherche (FONER)qui vous rembourse ces quinze mille (15 000)FCFA. Mais il va de soi que c’est une structure du service public à caractère très social. A partir de ce moment quand on juge, il faut être très prudent parce qu’on risque de se mettre le doigt dans l’œil.

SCI : Quelles peuvent être les pistes de solutions pour finir avec ce retard de calendrier là ?

Pr K.B : Les pistes de solution, mais c’est de partir de l’hypothèse de départ de dire : l’Etat dit, il faut prendre tout le monde, donc il nous donne les moyens pour mettre tout le monde dedans. Ah oui ! Parce que quand on dit à quelqu’un tel service vous ait offert, ça veut dire, il y’a quelqu’un qui paie. Mais ici l’Etat sa spécialité, excusez le terme, c’est de dire aux gens que c’est gratuit mais ne jamais dire qui paie voilà.  Sinon aujourd’hui dans l’espace de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA), nous savons combien coute un étudiant, ça ne pose aucun problème, tous les enseignants même ceux qui s’intéressent moins au fonctionnement de l’Université, ils savent combien coute un étudiant. Même si vous prenez le privé ça suffit pour le savoir. Donc la solution pour mettre fin à ça, le problème c’est la massification qu’il faut résoudre. Lorsque vous avez deux mille (2000), trois mille (3000) étudiants en première année, qu’est-ce que vous voulez faire. Et puis il faut reconnaitre aussi que l’université est  une caisse de résonnance de la société. Et depuis que nous sommes rentrés dans cette histoire de modification ou pas de modification d’article jusqu’à la transition, toute notre société est agitée. Et à l’image de l’agitation de notre société, l’université est agitée. Et si l’Université est agitée il faut qu’on le reconnaisse que  beaucoup d’acteurs s’intéressent moins au bon fonctionnement de l’Etat que à la répercussion de ce qui se passe dans la société dans son ensemble à l’université. Certains ont pensé qu’il faut uniquement s’intéresser à ces problèmes politiques, et tant que ces problèmes politiques ne trouvent pas des solutions, nous nous n’avons pas la quiétude pour travailler. C’est valable pour les autres corps sociaux. Mais chez nous c’est encore pire parce que c’est l’espace où les gens ont beaucoup plus de liberté pour s’exprimer. Mais les gens en profitent. Ils en abusent malheureusement et au détriment de notre jeunesse.

SCI : Abordons un autre volet des réalités universitaires : les questions de soutenances ; il ressort que dans certaines facultés soutenir à l’université de Ouagadougou relève d’un parcours du combattant.

Pr K.B : Vous savez la vérité est ailleurs, moi je reçois des cas, j’essaie de traiter, je vais vous donner un exemple, cette année avec l’appui de la Coopération française nous avons voulu faire une mission spéciale pour appuyer un département que je ne vous citerai pas, parce qu’on entend trop dire ça ne soutient pas, ça ne soutient pas. Mais quand l’étudiant n’est pas là, on soutient comment ? Il faut qu’on accepte cela aussi, que les  parents disent à leurs enfants qu’il faut soutenir avant d’aller faire autre chose. Aujourd’hui un étudiant quand à peine il est en deuxième année, il est dans toutes les enquêtes, il est dans toutes les missions à gauche et à droite. Je veux bien comprendre qu’il cherche à manger mais on ne peut pas poursuivre deux lièvres à la foi. Ah oui ! Ça veut dire aujourd’hui si un étudiant à son mémoire il prêt et que c’est le professeur qui pose problème mais si on le sait, il va soutenir. Maintenant quand nous avons rencontré la direction de la spécialité concernée, ils nous ont dit qu’ils n’en ont pas besoin. Parce que eux tous ceux qui sont prêts pour soutenir, ils leur font soutenir. Mais je ne dis pas que dans le rang des enseignants, il n’y a pas de brebis galeuse, il y’a des brebis galeuses nous sommes des humains comme tout le monde. Mais je dis pour l’essentiel c’est les étudiants qui ne sont pas là. On voit même ceux qui faisaient le DUT, l’étudiant quand il a la partie écrite du DUT, il disparait, il revient cinq après, il y’en a qui ne reviennent même plus jusqu’à ce qu’on leur exige ça quelque part. C’est vrai que les gens pensent que c’est l’université qui ne fait pas son travail mais non, les gens ne travaillent pas à leur soutenance. Moi-même j’encadre, dans mon labo, il y’a des étudiants qui ont fait leur thèse en moins de deux ans. Mais il y’a un ça fait  dix (10) ans il est là. Si dans le même labo quelqu’un peut faire sa thèse en moins de deux ans et il y’a quelqu’un qui est là depuis dix ans. Mais la question, c’est de prendre tout son environnement parce qu’aujourd’hui quand l’étudiant vient vous dire qu’il n’a pas de moyens de survie, il doit aller enseigner  dans tel lycée ou dans telle autre ville et que c’est en vacance il va venir bricoler un peu. Il vient pendant la pluie, il y’a des coupures d’électricité, l’accès à l’université devient difficile parce qu’il pleut à tout moment mais son travail ne va pas avancer. Ce n’est pas aussi miraculeux que ça. Et dans les cycles inférieurs c’est encore plus grave. Sinon là où il y’a eu des difficultés, où les gens ont reconnu que vraiment on ne peut pas soutenir les mémoires, d’autres dispositions ont été prises. Mais vérifiez que nos étudiants ne sont pas là.

SCI : Venons-en au nom de l’université de Ouagadougou qui jusqu’au jour d’aujourd’hui ne porte pas le nom d’une quelconque personnalité, pourtant cela est le souhait de  beaucoup d’acteurs, qu’en dites-vous ?

Pr K.B : Vous avez un texte qui dit que l’université doit porter le nom de quelqu’un ?

SCI : Pas que l’université doive porter le nom de quelqu’un, mais un souhait.

Pr K.B : Je trouve que le débat est déplacé. C’est comme quand vous voulez élever quelqu’un à une dignité. C’est la structure elle-même qui réfléchit, qui estime que selon son CV, c’est-à-dire selon elle-même son histoire, son parcours, elle décide d’élever tel individu, ou telle structure à une telle dignité. Là en ce moment ça tout son sens. Maintenant c’est quand quelqu’un vient dire, moi je pense qu’il faut que vous donnez le nom d’un tel, est-ce que ça a un sens.

SCI : Mais est ce que les gens imposent ce choix ?

Pr K.B : Je ne dis pas qu’ils imposent parce que le débat, il y’a tellement de polémiques où les gens disent oui l’université ne peut pas s’appeler l’Université de Ouagadougou .Vous savez les problèmes qu’il y’a à donner une personnalité à l’Université de Ouagadougou ? Certains viennent me dire de donner X mais pourquoi pas Y. Pour créer cette université, il y’a des gens à qui on a demandé d’abandonner leur poste à l’étranger, où ils avaient un poste où l’aisance  était équivalente à celui d’un ministre chez nous ici. Ils ont laissé leur poste, ils sont venus, ils ont aidé à construire cette université. Certains sont encore vivants, d’autres sont morts. Vous pensez qu’il y’a d’autres en dehors de ceux-là  qui sont méritants ? C’est la question que je me pose. Quand on prend le Burkina-Faso, sur le plan socioculturel, nous avons des consciences collectives que nous reconnaissons tous, qui il faut choisir ?  Donc  Le débat est difficile ? Ce n’est pas aussi aisé que ça. Maintenant il y’a la comptabilité qui veut qu’on dit que quelqu’un est chose ; mais c’est l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Moi j’ai connu l’Université, le Campus 2000 on a appelé ça Campus 2000. C’était l’Université de Cocody, après c’est devenue Campus 2000  et puis après j’ai vu que c’est devenu  l’Université Félix Houphouët-Boigny. C’est  leur histoire. Et à Bouaké on a dit l’Université Alassane Dramane Ouattara mais c’est leur histoire, ça ne nous regarde pas. Nous aussi on a notre histoire. Abdou Moumouni à Niamey … Même aujourd’hui, ça pose des problèmes. Si vous ne le faites pas bien au lieu de réunir la communauté universitaire, vous la divisée. Et puis c’est une université d’Etat. C’est l’Etat qui finance l’Université de Ouagadougou à quatre-vingt-dix-sept(97) pour cent. Que l’Etat nous dise, nous on veut mettre tel nom, nous on n’a pas de problème. Maintenant si c’est nous, qu’on nous laisse réfléchir, et puis on va choisir un jour qui nous on veut. Parce que il y’a des gens qui n’ont  jamais fait une heure d’enseignement ici, on nous dit de mettre leur nom ici. Ah ba !!!Vous aussi !

Ah oui, pour construire cette université, il y’a des gens qu’on est allé chercher pour venir mettre l’université en place.

SCI : Peut-être qu’il y’a un problème de communication parce que moi je dois confesser, j’apprends beaucoup de choses avec vous.  Je me dis qu’il y’a un problème de communication sur ces personnes-là qui se sont sacrifiées pour que cette université voit le jour.

Pr K.B : Parce que d’abord pour pouvoir faire ces choses-là facilement, il faut d’abord qu’il y’ait une unité de point de vues en tout cas moyenne dans ce qu’on appelle le corps enseignant. Ça veut dire le il doit avoir un véritable corps. Il faut reconnaitre qu’à l’Université de Ouagadougou, depuis que je suis assis, je suis désolé de le reconnaitre, le véritable corps d’enseignants n’existe pas. On est divisé dans les opinions. Et on ne sait pas à quel moment il faut se mettre au-dessus de nos différences pour faire l’unité. A partir de ce moment-là si vous vous amusez, vous divisez l’université, vous détruisez le peu que vous avez. Donc c’est des questions complexes.  Mais je dis aussi, c’est une université d’Etat, si c’était une université privée, on met le nom qu’on veut ; le Président, Fondateur, Créateur met ce qu’il veut. Mais même l’Etat, je pense qu’il est prudent, parce que s’il vient tomber dans cette affaire-là s’il n’y a pas une collégialité de point de vues, ça crée des résistances, ça crée des bagarres Inutiles. Mais je vais vous dire de faire une enquête. Il y’a pratiquement dix ans aujourd’hui, qu’à l’Université de Ouagadougou, on essaie de mettre des noms sur les amphis, essayez de voir la bagarre qui se passe. Les simples salles, pour dire par exemple aujourd’hui c’est honteux qu’on ait des amphis K, des amphis J, c’est humiliant. Nous avons des enseignants, il y’en a qui sont présents, il y’en a qui sont déjà morts, mais à ces gens-là, on pouvait rendre hommage en disant ça c’est le bâtiment un tel. Les quelques-uns qui sont nommés, c’est des initiatives spontanées et l’Etat n’a pas eu mot à le dire. Parce que quand l’unité de formation et de recherche (UFR)  dit bon, à l’occasion du décès d’un tel, nous pensons qu’on peut dire, ça là c’est son amphi, l’Etat regarde faire. Parce que sur place, les gens se sont entendus au moins, compte tenu de l’évènement et ils ont décidé de nommer. Mais  quand on a dit aux gens, réfléchissez et faites des propositions, moi j’étais encore Directeur de l’Institut Burkinabé des Arts et Métiers (IBAM) avant mon passage à Ouaga II jusqu’à arriver ici les gens n’ont pas encore fini. Mais il va falloir le faire. Mais il faut créer l’environnement. C’est-à-dire que tout ce qu’on doit faire dans ce sens-là on doit chercher l’équilibre et la stabilité. Sinon on ne peut pas sur un coup de tête commencer à donner des noms à des universités. Vous aussi !!!

SCI : C’est dire qu’il faut reconnaitre de façon indéniable qu’en réalité, au risque de diviser les gens il faut aller doucement.

Pr K.B : Il faut aller doucement. Je ne sais pas, qu’est-ce que ça apporte à l’Université de changer de nom. L’Université d’Abidjan, on a appelé ça l’Université de Cocody ou l’Université Félix Houphouët-Boigny, ça change quoi ? Mais pour qu’il y’ait de l’impact, il faut qu’à un moment donné, il y’ait une dynamique cohérente qui fait que les gens disent : cette université doit s’identifier à cette image-là. Mais aujourd’hui, les gens s’identifient au terme l’Université de Ouagadougou. En tout cas si vous vous promenez, les gens sont fiers de dire, je suis de l’Université de Ouagadougou. Mais bon, si les gens sont fiers qu’on l’appelle Université de Ouagadougou, vous voyez depuis la création de Ouaga II ça murmure que oui est ce que c’est Ouaga I, les gens n’en veulent pas. Ils veulent l’Université de Ouagadougou. Et vous, vous voulez qu’on change ça comme cela. Ah ce n’est pas évident. Je pense qu’il faut tenir compte de l’avis des acteurs et accepter que pour donner un nouveau nom, il faut que les acteurs aient envie d’identifier ce nom-là à un idéal, à une préoccupation qui mobilise tout le monde pour y aller. Parce qu’ici nous ne sommes pas politiques, nous sommes académiques même si on fait de la politique. C’est ça la nuance chez nous. On fait beaucoup de bruits dans la politique, mais nous sommes académiques. Ça c’est très important. Donc c’est un espace, où tous les courants peuvent s’exprimer librement. C’est ça la franchise universitaire. Tous les courants peuvent s’agiter, tous les courants doivent s’épanouir, toutes les idées doivent circuler. Donc vous trouvez une valeur moyenne. Sinon aujourd’hui moi ce que je constate depuis que je suis là, les gens aiment bien écrire l’Université de Ouagadougou, ils aiment ça. Moi c’est quelque chose que j’ai observé. Ils sont contents de dire qu’ils ont fait cette université là et même quand on va dans les compétitions, c’est pour cela que je vous disais que l’Université ne se porte pas si mal que ça. J’ai mis au défis un partenaire ici, de me faire la liste de nos étudiants que nous avons envoyé à l’extérieur et qui  ont été renvoyés pour faible niveau scientifique. Il dit que lui il ne sait pas. Je dis mais vous voulez quoi de plus. Quand on part au Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES), c’est vrai qu’on n’est pas toujours les meilleurs mais en tout cas, nous sommes, il faut mieux être le dernier des meilleurs que le premier des mauvais. En tout cas nous nous sommes toujours débrouillés pour être bien placés dans les meilleurs. Je pense qu’on a quand même des références qui permettent de savoir que même si on va mal, il faut le reconnaitre qu’il y’a des choses à ne pas perdre. Il ne faut pas tout jeter. Ça vaut dire aujourd’hui il faut reconnaitre qu’il y’a d’énormes difficultés liées à la massification, liées à l’insuffisance des infrastructures, liées au manque du personnel d’encadrement, liées au manque d’équipement. Il y’a un certain nombre d’environnement qu’il faut créer ; l’environnement wifi et tout ça qui nous manque. Ça ce sont des réalités. Est-ce qu’il faut qu’on ferme les portes et on attende que ça arrive. Parce qu’il faut se rappeler que les gens qui ont commencé l’Université de Ouagadougou n’avaient même pas d’espace. L’Université de Ouagadougou quand moi je venais en première année, j’ai trouvé des parties qui étaient encore en ville. Il y’en avait au lycée Bogodogo…Pour commencer l’Université de Ouagadougou, on n’a pas construit tout et puis on  dit voilà l’Université de Ouagadougou. Les gens ont commencé à regrouper un peu un peu. Ce bâtiment où vous êtes ce n’est pas le nouveau bâtiment de la Présidence. En quarante ans d’existence, c’est le seul bâtiment de la Présidence qu’on a construit à destination de la Présidence. Sinon c’était des salles de réunion que le Président occupait. Moi quand j’ai pris fonction ici, j’occupais la salle ou je me suis inscrit en première année comme étudiant. C’était la scolarité centrale de l’Université de Ouagadougou. Donc c’est progressivement qu’il faut mettre ces moyens en place. Et nous devons faire un choix. Le choix c’est ça. De dire que malgré nos difficultés, il faut donner quand même le maximum de chance à notre jeunesse d’apprendre quelque chose et ce maximum-là peut se faire dans certaines difficultés. Parce que si on dit aujourd’hui à l’Université de prendre juste ce qu’il peut encadré selon l’idéal que chacun répète à la radio, ou dans les journaux, mais le reste, la majorité où on va les mettre ? On est partagé entre ce choix là et c’est réel. Le pouvoir d’achat du burkinabé n’est pas élevé. Quand vous regardez les salariés réguliers, nous sommes combien ? Publique et privé, sur une population de dix-sept (17) millions, il n’y a pas quatre (4) cinq (5) millions de salariés réguliers. Même pas un million, même pas la moitié du million. Donc ça veut dire que notre système social a de sérieuses difficultés et nous devons en être conscients à tous les niveaux et en fonction de ça accepter des difficultés. Parce que le Président que je suis quand je rencontre mes collègues Président. Ils ont dix fois, vingt fois mes indemnités. Mais ce n’est pas pour cela que je ne suis pas fier d’être Président de l’Université de Ouagadougou. Ah oui, vous pouvez faire un constat dans la sous-région.

SCI : En termes de comparaison de conditions de vie et de travail avec vos collègues de la sous-région, donc c’est dire que vous êtes les parents pauvres ?

Pr K.B : Nous ne sommes pas des parents pauvres, c’est le pays qui a besoin de cela. Nous ne sommes pas les parents pauvres. Quand les étalons sont allés en en finale de la coupe d’Afrique des nations, prenez le budget des équipes, il y’a pratiquement des équipes dont le budget équivaut à celui du Burkina-Faso, pourtant la combativité, l’engagement de notre jeunesse a permis de se comparer et même de dominer ceux-là qui sont mieux nantis que nous. Et c’est à ça  que ce pays doit sa survie. Et c’est ça que la jeunesse doit comprendre. Que le Président de l’Université de Ouagadougou doit travailler dans ces conditions-là pour que l’université existe.  C’est dire que les étudiants eux-mêmes ils doivent endurer certaines difficultés. Chacun doit consentir un sacrifice. Même les enseignants.  Nos enseignants sont là aujourd’hui avec la régionalisation d’un certain nombre de choses, la circulation est devenue plus facile. Mais c’est bien aussi de savoir qu’on est utile à ce pays-là. Malheureusement les jeunes ne veulent pas enseigner parce qu’ils disent qu’il n’y a pas l’argent dedans. Mais avant de pouvoir être conscient même qu’il n’y a pas l’argent c’est qu’il a déjà été formé. Donc si tout le monde s’était assis dire qu’il n’y a pas l’argent dans l’enseignement, ça m’étonnerait que lui il ait l’occasion de dire qu’il n’ya pas l’argent. Donc j’invite les jeunes à venir dans l’enseignement.

SCI : Parlons-en, j’évoque certaines questions qui semblent avoir été débattues ailleurs, je les évoque parce qu’il faut avoir plus d’informations, les informations réelles parce que vous êtes au cœur de ces réalités-là. Le Licence Master Doctorat(LMD), qu’est-ce que c’est ?

Pr K.B :C’est-à-dire que le LMD, vraiment ! Vous voyez Quand vous avez un paludéen, vous lui dites de faire dix mille (10 000) mètres, est-ce qu’il va arriver à la fin, il n’a pas d’énergie. En fait aujourd’hui, l’exigence du LMD a exacerbé les difficultés que nous avons  dans nos universités. Mais les difficultés ne sont pas dues au  LMD. Le LMD n’a jamais mis trois mille (3000) étudiants en première année. Au contraire le LMD  souhaite que la classe moyenne ne dépasse pas les trois cent (300) au maximum. Mais si nous mettons dix (10) fois plus, cela veut dire que nos réalités  viennent d’ailleurs sinon le LMD c’est une  simple réorganisation, ce n’est pas quelque chose qui date d’aujourd’hui hein ! Vous prenez les USA, vous prenez tous les pays anglo-saxons en dehors de la France, pratiquement la Belgique et quelques pays d’Europe là, tout le monde  était au LMD. C’est un système universitaire où le diplôme de référence c’est la Licence, c’est le Master et c’est le Doctorat. Alors que le système que nous nous avons ici, nous les avons hérité de nos parents, les gaulois,  c’était que le premier diplôme était le DEUG, ensuite la Licence, ensuite la Maîtrise, on faisait le DEA et on faisait le doctorat. Mais avec le  LMD, on a réorganisé tout cela en trois palier c’est-à-dire Licence, Master, Doctorat.

SCI : A vous entendre, c’est dire que le LMD n’est pas le réel problème ?

Pr K.B : Vous savez la vie dans le monde est souvent difficile. Si vous regardez, tous les pays anglo-saxons, pendant longtemps étaient dans le LMD. L’université ghanéenne est née dans le LMD, l’Université sierra léonaise, l’université du Nigéria, toutes ces universités sont nées dans le LMD. Et tous ces pays ont eu les universités longtemps avant nous. Vous pouvez demander un peu l’histoire de l’Université Kwamé N’Krumah, je ne sais pas c’est quel 50 mais c’est les années 50, or nous, on a eu l’université qu’en 1974. C’est-à-dire au moins  vingt (20) ans avant nous, ces pays avaient déjà le LMD. Mais bon, chaque pays essaie d’adapter le LMD à ses réalités. Maintenant depuis pratiquement une vingtaine d’années, le monde entier dit, c’est le LMD. Mais est-ce que le Burkina Faso peut rester en dehors ? Tout l’espace UEMOA, c’est le LMD, Les institutions de référence en matière d’enseignement supérieur, l’Agence Universitaire de la Francophonie(AUF) c’est le LMD, l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Sciences et la Culture (UNESCO), on parlera de LMD, le CAMES, tout le monde c’est  LMD. Vous allez faire autre chose pour parler à qui ? Ah oui, on fait certaines choses dans la douleur parce que c’est une nécessité. Ce n’est pas un choix. Je ne défends pas le politique, mais je dis en tant qu’universitaire si on demandait mon avis, je leur dirai mais qu’est-ce que vous voulez faire ? Si vous vous mettez en dehors du LMD aujourd’hui, vos étudiants sont enfermés dans le Burkina-Faso. Les diplômes n’ont qu’une reconnaissance nationale. Est-ce qu’aujourd’hui dans un village planétaire, on peut confiner nos étudiants à des diplômes burkinabè ? Mieux, si vous regardez notre réalité, le paradoxe c’est quoi ? Pendant que les étudiants qui sont dans les universités publiques compte tenu des problèmes qui sont là-bas, se battent pour dire qu’ils ne veulent pas le LMD, les privés, ils sont dans le LMD. Les écoles professionnelles sont en train de se battre ils veulent le LMD parce qu’ils veulent qu’on reconnaisse leurs diplômes en dehors de nos frontières et dans d’autres institutions. Vous ne voyez pas qu’il y a un paradoxe. Donc le problème ce n’est pas le LMD, le problème c’est autre chose. Le problème, ce sont nos conditions de travail, c’est-à-dire le choix politique qu’on a fait de dire que l’université, il faut donner la chance au maximum de jeunes. Je pense que le problème vient de là. La massification. Et cette massification-là, l’Etat à un moment donné doit s’avouer que la demande est au-delà de ses capacités. Mais tant que l’Etat ne va pas dire bon, moi-même je reconnais maintenant que la demande est au-delà de mes capacités, mais on va faire avec. Sinon je ne pense pas que le problème de fond soit le LMD. Surtout le privé aujourd’hui, les gens sont tellement fiers d’afficher partout dans la rue là, si vous sortez de mon bureau regardez-vous verrez des pancartes ici qui font l’apologie du LMD.

SCI : Donc en réalité, c’est dire qu’en fait les étudiants, parfois de bonne ou de mauvaise foi, n’ont pas peut être compris de façon pertinente le LMD ?

Pr K.B : En général ils sont de bonne foi. Parce que face à un certain nombre de difficultés, on tire par tous les côtés ça ne va pas. On se dit bon, finalement quand on n’était pas dans cette histoire-là on était bien. Mais ce n’est pas vrai. Même si on ne rentre pas dans le LMD. Ceux qui vivent là les retards ils vont le vivre. Parce que déjà moi j’ai des dates hein. Déjà les années 2005,2006 dans l’Université de Ouagadougou, les délibérations de première session ce sont tenues en fin septembre. Est-ce que c’était un bon signe pour terminer les années ? Parce que moi quand j’étais étudiant, je me rappelle qu’à ma première année, au 14 juin, on regardait un match de la coupe du monde  et puis on a couru venir regarder les résultats. Et celui qui était admis, venait  directement faire sa carte d’étudiant, la mettait en poche et partait en vacance. Mais dans la même université, lorsque les délibérations atteignent fin septembre là. Je dis bien la première session. C’est-à-dire que pendant les vacances on est en train de corriger les copies, s’organiser jusqu’à délibérer en fin septembre ça veut dire déjà qu’il y’avait les signes que l’université était saturée parce que cette université, en moyenne quinze mille (15 000) étudiants, vingt mille (20 000) étudiants c’est le maximum que ça peut admettre  alors qu’on a plus du double aujourd’hui. Donc je ne pense pas qu’ils soient de mauvaise foi. Mais je pense que les problèmes sont plutôt ailleurs. Le problème ce n’est pas le LMD mais à l’époque il y’avait combien d’étudiants quand moi je venais ? Je sais que j’ai fait math-physique-chimie (MPC), tous ceux qui faisaient MPC on était soixante-dix(70) en première année. Je pense qu’ils sont tellement assommés par les problèmes, d’abord il y’aux les problèmes de survie. Parce que Ouaga quand moi j’arrivais en première année on me disait qu’on était à, je ne sais plus  quatre cent mille (400 000) ou cinq cent mille (500 000) habitants, et aujourd’hui on a plus de deux millions (2 000 000) d’habitants. Plus il y’a de la densité humaine, plus la vie sociale devient exigeante, elle devient difficile. Et puis vous demandez aux gens à l’époque, la ville c’était tout juste avant l’Hôtel de Finances à Dassasgho. Moi j’étais étudiant, voilà ce bitume là ils l’ont fait quand j’étais déjà étudiant. Il y’a le quartier 1200 logements aujourd’hui qu’on appelait affectueusement Hong Kong… La ville était très petite. Mais maintenant aujourd’hui, de l’Université de Ouagadougou, vous pouvez faire pratiquement vingt (20) kilomètres dans certaines directions pour pouvoir trouver  le logement d’un étudiant. Parce que s’il arrive à Ouaga, il n’a pas de parents où loger à côté de l’université, il loge très loin du centre et en matière de nourriture, quand nous nous étions étudiant, il y’avait le riz dont le plat coutait cinquante (50) FCFA. On mangeait du riz dans la rue. Ça  c’est lié au développement normal de la société. C’est le développement normal de la société. Donc la vie est devenue plus difficile même pour exister à Ouagadougou, ça c’est vrai pour les étudiants, c’est vrai pour les travailleurs. Vous voyez qu’aujourd’hui il y’a beaucoup de travailleurs qui sont dans des zones non loties. Ce n’était pas le cas à l’époque peut être. Parce que tous ceux qui avaient un petit salaire pouvaient s’offrir une parcelle en zone lotie. Aujourd’hui c’est devenu pratiquement impossible. Maintenant l’étudiant qui arrive, déjà s’il n’a pas de parent pour l’accueillir, il est totalement dépaysé. Il est confronté à une autre réalité très différente de la famille ; les besoins d’existence, les parents n’ayant pas suffisamment de moyens pour l’accompagner, ‘’son dieu est grand’’ c’est le FONER, c’est l’aide, c’est la bourse éventuellement. Mais le taux qu’on donne, là où le salarié même à des problèmes, ce n’est pas celui qui a une bourse qui pourra s’en sortir. Maintenant il vient à l’école, ils sont trop nombreux. Il est assis dans la salle, il s’est réveillé à quatre (4) heure  ou cinq (5) heure du matin, il arrive il ne voit pas l’enseignant. Il est dans la salle, il l’entend, mais il ne le voit pas. Vous voyez, ça crée un environnement qui est un peu décourageant.

SCI : On voit que vous êtes vraiment imprégné des réalités du terrain

Pr K.B : C’est notre milieu. Et il se dit qu’est ce qu’on va faire et vous imaginez avec toutes les perturbations, il se lève il dit je vais à l’école. Il pédale sa bicyclette, stricte minimum, il arrive au campus, on dit pour telle raison il y’a grève, il n’ya pas cours. Il est démotivé. Je crois que c’est tout cet environnement-là qui fait que les étudiants pensent que c’est le LMD. Sinon l’essoufflement de l’Université de Ouagadougou ne date pas du LMD.

SCI : Disons que les gens se méfient du LMD pour rien.

Pr K.B : Mais oui. Parce que le LMD est un peu exigeant. Ça demande plus de boulot que l’ancienne méthode. Or déjà avec l’ancien système, on avait du mal à clôturer l’année. Si on vient se mettre dans un système où il faut être plus exigeant, où il faut composer deux fois plus pratiquement.  Ça devient difficile. Parce qu’avant on avait une année, il y’en a même qui faisaient la session unique. Ils vont jusqu’en juin et composent. Nous nous avons fait en tout cas les partielles, moi je sais qu’en MPC on faisait quatre partielles plus l’examen de fin d’année. Mais nous étions soixante-dix (70) étudiants, l’enseignant corrige. et en plus de ces charges là aujourd’hui, il y’a le privé à côté , l’espoir de se faire un peu plus d’argent fait que nos enseignants ne sont pas toujours présents là où ils doivent être présents, tout ça c’est  des problèmes qui alimentent les difficultés de l’étudiant. Maintenant je pense que malgré cela il faut du discernement. Et pour faire le discernement, il faut qu’on s’asseille, on se parle. Parce que s’il faut discipliner les enseignants, ça l’Etat peut le faire. Mais discipliner les étudiants, souvent ça ca nous échappe. Donc il faut que les étudiants comprennent que c’est une démarche commune. Tout l’ensemble de la communauté universitaire doit se donner un même point de mire pour dire : nous devons arriver à réduire à sa stricte restriction le retard. Ça veut dire qu’on peut faire beaucoup de choses, mais le travail rien que le travail d’abord. Maintenant quand l’enfant est rongé par un tel désespoir, est ce qu’il peut s’orienter dans une telle direction ? C’est la question que je me pose. Je pense que c’est le problème de la jeunesse comme ça.

SCI : Votre dernier mot monsieur le Président. Quelque chose que vous auriez souhaité qu’on évoque mais qu’on n’a pas abordé.

Pr K.B : Malgré toutes ces difficultés,  il ne faut pas jeter le bébé et l’eau du bain. Dans l’Université de Ouagadougou, malgré nos divergences, malgré toutes nos difficultés, lorsqu’on se place dans l’environnement sous régional, dans le contexte mondial aujourd’hui, notre université n’est pas mal. Elle a un certain niveau qu’il faut maintenir et  voire améliorer. Et cela ne peut se faire que dans la discipline. Malheureusement les  quatre (4) cinq (5) dernières années, notre pays a été très agité sur le plan sociopolitique et malheureusement, la crise financière qui frappe le monde entier n’a pas arrangé cette situation-là. Elle n’a fait qu’aggraver, donc le concept de la vie chère est apparu. Lorsque les pays riches sont frappés de plein fouet, nous qui étions déjà pauvre avant c’est grave. Tout ça c’est vrai, ça a endurci encore, compliquer d’avantage les études au niveau  du supérieur, je vous le dis même au secondaire il doit y avoir des répercussions, mais  malgré ça l’outil qu’est l’Université de Ouagadougou, j’aime cette expression là que beaucoup aime doit survivre et nous devons tous nous y investir et avoir la fierté d’être venu et d’être accueilli dans cette structure et avoir la fierté aussi de la céder aux générations à venir. Je pense que ça ca doit  être le challenge de chacun de nous.

SCI : Professeur Sciences-Campus vous remercie pour avoir sacrifié de votre temps pour nous recevoir.

Pr K.B : C’est à moi de vous remercier.

Interview réalisée par Sylvain DA

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