Région du Centre
Le biodigesteur est un ouvrage maçonné destiné à recevoir des déjections animales fraiches pour la production de biogaz. Pour sa vulgarisation, en 2010 l’Etat burkinabè et ses partenaires privés ont mis en place le Programme national de biodigesteur (PNB). Ce programme vise à permettre aux ménages en milieu rural de tirer les bénéfices et les avantages que cette technologie leur offre. Le 21 mars 2017, nous avons rencontré le coordonnateur du PNB Xavier Bambara et la responsable technique dudit programme qui ont répondu à nos différentes préoccupations liées à la technologie et au PNB.
Un biodigesteur de 6 m3 permet de préserver en moyenne trois hectares de forêt dans l’année
SCI : Comment fonctionne le biodigesteur ?
Gwladys Sandwidi : Un biodigesteur est un ouvrage maçonné semi-enterré destiné à recevoir des déjections animales fraiches pour la production de biogaz. Pour la réalisation de l’ouvrage, il faut exécuter des fouilles à une profondeur d’un 1m60 minimum selon la taille de l’ouvrage choisie par le client. C’est à l’intérieur de cette fouille de plus d’un mètre que l’ouvrage sera construit.
L’ouvrage conçu est destiné à recevoir des déjections animales quotidiennement pour produire le biogaz. Le modèle du PNB est celui de fonctionnement continu. Après la réalisation de l’ouvrage, il doit avoir un premier chargement d’au moins sept charrettes de déchets frais avec la même quantité d’eau. Après la mise en service, tous les jours, le client doit mettre dans l’ouvrage une petite quantité d’excréments selon la taille on lui donne les proportions fixées pour l’alimentation journalière de son ouvrage, ce qui signifie que la production du gaz est journalière. L’ouvrage se vide tout seul à travers le rejet d’un effluent.
SCI : Que peut-il arriver lorsque le client ne respecte pas les instructions concernant l’alimentation de l’ouvrage ?
G.S : Le non-respect des proportions crée un disfonctionnement de l’ouvrage. Lorsque la quantité de déchet fraiche introduite dans l’ouvrage est insuffisante ou trop chargée le client n’obtiendra pas la quantité de gaz souhaitée.
SCI : Quels sont les conditions nécessaires pour l’obtention de cette technologie ?
G.S : Pour bénéficier de cette nouvelle technologie, il faut être en milieu rural ou dans une zone péri-urbaine. En plus il faut être propriétaire d’un noyau d’animaux, pratiquer l’élevage pour plus de sureté au niveau de la matière première pour le fonctionnement de l’ouvrage. Il faut avoir au minimum quatre têtes de bœufs et 8 têtes de porcs, nourrit régulièrement et en stabulation pour l’obtention d’une quantité assez suffisante de déjections pour l’alimentation du biodigesteur. Il est nécessaire de préciser que c’est la bouse de vache ou les crottins du porc qui est utilisé majoritairement pour le fonctionnement du biodigesteur car leur valeur énergétique est plus importante et se sont des déjections plus facile à mobiliser.
Il faut que le ménage garantisse la sécurité foncière de son site et avoir de l’espace pour la réalisation de l’ouvrage. L’ouvrage occupe les dimensions suivantes 12 m de longueur sur 6m de large. L’ouvrage ayant une durée de vie de 20 ans, il faut s’assurer de la garantie foncière car l’ouvrage ne peut pas être déplacé au cas où le ménage est contraint de quitter leur habitation s’il n’est pas le véritable propriétaire. A cela s’ajoute une disponibilité en eau claire mais pas forcément potable pour la construction de l’ouvrage. Il est conseillé que le point d’eau soit proche du lieu de la construction de l’ouvrage soit 30 minutes de temps mis pour l’aller-retour du point d’eau. En plus pour la construction de l’ouvrage, le PNB utilise les matériaux locaux comme le sable, le gravier… Le ménage devra mobiliser la quantité d’agrégat en fonction de la taille souhaitée. Le PNB dispose de quatre types de taille de biodigesteur : 4, 6, 8 et 10m3. Aussi, il faut que le ménage soit à mesure d’acheter les matériaux manufacturés tels que le ciment, les barres de fer, un rouleau de fil de fer. Le ménage a en charge l’exécution des fouilles car la construction se fait dans un trou. La mobilisation d’au moins sept charrettes de bouse de vache ou de porc pour le premier chargement est nécessaire. En plus de tout cela, le ménage doit mettre à la disposition du maçon du PNB de la main d’œuvre non qualifiée (deux) pour la construction.
Les coûts des biodigesteurs varient entre 280 mille et 500 mille. Mais il est nécessaire de signaler que l’Etat accorde une subvention à tout demandeur de biodigesteur à hauteur de 160 mille francs. La subvention de l’Etat couvre la main d’œuvre du maçon, les matériaux de la plomberie, de la tuyauterie pour conduire le gaz aux différents points d’application, un foyer double, et une lampe à gaz remis au ménage. Le reste du coût est supporté par le client à travers l’apport des éléments sur-cités.
SCI : Quelles sont les avantages du biodigesteur pour les bénéficiaires et pour l’environnement ?
G.S : Les avantages de cette technologie sont divers : de prime à bord l’utilisation des excréments des animaux au sein du ménage contribue à assainir le milieu de vie du ménage étant donné que le PNB travaille à vulgariser les biodigesteurs domestiques de petite taille au niveau des ménages. L’assainissement du milieu de vie protège le ménage contre de nombreuses maladies. En plus de cela, il faut noter que les animaux seront bien entretenus compte tenu du fait que le ménage est conscient qu’il a besoin de la bouse pour le fonctionnement du biodigesteur. Notons que le biodigesteur va permettre au ménage de produire son gaz qui sera utilisé pour la cuisson. L’utilisation de ce gaz pour la cuisson est une aubaine pour la famille. Les femmes et les jeunes filles surtout ne respirent plus la fumée qu’elles inhalaient avant avec l’utilisation du charbon de bois comme énergie. Avec le remplacement du bois de chauffe par le biogaz, les membres des ménages sont à l’abri de certaines maladies (problème respiratoire, maux d’yeux..) et aussi garde ses ustensiles de cuisines propres car ceux-ci n’étant plus en contact avec le bois de chauffe ne noircissent plus. L’utilisation du biogaz permet à la femme d’économiser son temps car elle n’a plus à aller chercher du bois de chauffe.
Le biogaz produit sert pour l’éclairage du ménage. Avec cette lumière, les enfants peuvent étudier correctement la nuit. A tout cela, s’ajoute l’effluent que rejette l’ouvrage au niveau des fosses à composte après l’utilisation du gaz une matière utilisée pour amender les champs. Par exemple lorsque l’on prend un biodigesteur de 6 m3 il dégage un effluent de 8 tonnes par an. Les ménages bénéficient de formation de compostage et si ces connaissances sont mises en pratique correctement, le ménage peut obtenir 64 tonnes de compost par an pour amender ses champs ce qui lui permet d’économiser en achat d’engrais. En fait il n’a plus à dépenser pour l’achat des engrais chimiques. En plus de tous ces avantages, il y a la protection de la forêt étant donné que les femmes ne coupent plus de façon abusive le bois pour leur utilisation quotidienne. Un biodigesteur de 6 m3 permet de préserver en moyenne trois hectares de forêt dans l’année. Le méthane, le gaz séquestré au niveau du biodigesteur est un gaz très nocif pour l’environnement. Cette technologie vient soulager l’environnement en matière d’émission de l’effet de serre.
Environ 8700 ménages disposent d’un biodigesteur sur l’ensemble du territoire
SCI : Quel est l’objectif de ce programme ?
Xavier Bambara : Le PNB est un programme de marketing de la technologie du biodigesteur, l’objectif du programme c’est de contribuer à créer un secteur marchand pour faire en sorte que la technologie du biodigesteur serve à l’amélioration des conditions de vie des ménages en milieu rural. Le PNB a l’ambition de créer un marché qui va être animé par des acteurs privés de manière à pérenniser le projet. Une meilleure sécurité alimentaire pour les populations, la lutte contre la pauvreté et la création des emplois en milieu rurale sont également les objectifs du programme. En un mot l’amélioration des conditions de vie d’où notre slogan « vivons mieux au village ! ».
SCI : Ce programme concerne-t-il toutes les localités du Burkina ?
X.B : Le PNB est un programme national qui concerne toute les régions du Burkina. Au jour d’aujourd’hui nous avons des activités dans l’ensemble de ces régions à travers les différents acteurs publics et privés dont nous avons fait état tout à l’heure.
SCI : Combien de ménages disposent- ils actuellement d’un biodigesteur ?
X.B : Environ 8700 ménages disposent d’un biodigesteur sur l’ensemble du territoire. Dans nos prévisions nous comptons atteindre le cap de 10 mille courant 2e trimestre de l’année 2017 avec un taux de fonctionnalité de 92% parce que c’est ce qui est le plus important, l’essentielle n’est pas de construire mais il faut construire et utiliser l’installation. Le PNB connait quelques défis de fonctionnalité qui sont plus liés aux ménages qui ne respectent pas toujours les consignes qui leur sont données. Ces cas sont souvent dus : au vol ou à la transhumance du bétail, un problème d’eau en saisons sèche qui entravent le chargement quotidien de l’installation, ou le fait que le ménage ne charge pas. A cela il faut ajouter la difficulté sur le changement de comportement au niveau des ménages, chose qui ne se décrète pas, il faut revenir et mieux expliquer pour que les choses se mettent en place : Toutes ces raisons font que 8 à 10% du parc (des ouvrages biodigesteur construits dans les régions) ne fonctionne pas comme nous le souhaitons.
SCI : Etant donné que ce programme prend en compte plusieurs domaines, quel peut être l’intérêt d’un tel programme pour les étudiants burkinabè ?
X.B : Le PNB est un programme transversal qui touche à plusieurs domaines que sont l’agriculture, les ressources animales, l’environnement, les aspects liés à la préservation du climat, la lutte contre la réduction des gaz à effet de serre… De ce point de vue le PNB peut permettre aux étudiants qui s’intéressent à l’un ou plusieurs de ces domaines de venir constater ce que nous faisons, de nous aider à améliorer ou à prospecter d’autres sous-thématiques qui pourraient améliorer nos pratiques sur le terrain. Ce sont les thématiques sur le climat qui sont d’actualité aujourd’hui, les étudiants qui sont dans ces filières de formation doivent comprendre ce qui doit être fait comme contribution de notre secteur rural pour permettre aux paysans de s’adapter àa ce que nous faisons pour eux.
Dores