La peur commence dans le nez

La peur commence dans le nez

Selon une étude sur des souris, l’apprentissage de la peur modifie jusqu’aux neurones sensoriels, et pas seulement les aires corticales ou profondes du cerveau.

Nous avons tous appris à craindre une odeur de gaz dans un appartement, que nous associons à un danger d’explosion. Comment cette peur est-elle codée dans le cerveau ? On considère classiquement que son apprentissage modifie diverses aires cérébrales, telle l’amygdale. Marley Kass, de l’Université du New Jersey, et ses collègues ont montré sur des souris que les changements vont jusqu’au début de la chaîne de perception et de traitement sensoriel : la réponse des neurones olfactifs est quatre fois plus intense quand l’odeur perçue provoque la peur.

Les neurobiologistes ont conditionné les souris pour craindre une certaine odeur, en faisant systématiquement suivre sa diffusion d’un choc électrique à la patte. L’odeur est perçue grâce à la fixation des molécules volatiles sur des récepteurs situés à la surface des neurones olfactifs, dans les muqueuses qui tapissent l’intérieur du nez. Ces neurones envoient alors des influx au bulbe olfactif et, de là, à d’autres aires cérébrales.

Les chercheurs ont observé le bulbe olfactif en perçant – sous anesthésie – un petit trou dans le crâne des souris. Celles-ci étaient génétiquement modifiées pour que les neurones sensibles à l’odeur apprise fabriquent un composé nommé synapto-pHluorine, qui se fixe sur les vésicules contenant lesneurotransmetteurs (les molécules qui assurent la communication entre neurones) et devient fluorescent quand il est relâché dans une synapse. Ainsi, plus les neurones olfactifs envoient d’influx, plus le nombre de neurotransmetteurs relâchés est grand et plus la fluorescence observée dans le bulbe olfactif est importante.

Les neurobiologistes ont constaté qu’une même odeur entraîne une réponse quatre fois plus intense des neurones olfactifs quand les souris ont appris à en avoir peur. Ces résultats montrent qu’un tel apprentissage modifie jusqu’aux neurones sensoriels et ne se déroule pas juste dans les aires cérébrales auxquelles parviennent les informations perceptives, comme on le pensait auparavant – ce qui n’exclut bien sûr pas l’implication d’autres structures, telle l’amygdale. Pour Cyril Herry, de l’INSERM, la prochaine étape sera sans doute de confirmer le lien de causalité, par exemple en bloquant ce phénomène de plasticité des neurones olfactifs : l’apprentissage de la peur est-il alors empêché ?

Le mécanisme découvert pourrait accroître la sensibilité à une odeur et ainsi la réactivité face au danger. Selon C. Herry, il sera probablement retrouvé chez l’homme, dont la structure du système olfactif est similaire et chez qui on peut aussi obtenir des réponses conditionnées de peur. Il connaît sans doute un dysfonctionnement dans certains troubles de l’anxiété, tel un stress posttraumatique, qui entraîne notamment une hypervigilance et une focalisation exagérée sur tout stimulus associé au traumatisme.

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