LES PRIX NOBEL DE MÉDECINE, DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE 2014

Cette semaine, les lauréats des prix Nobel 2014 sont dévoilés à Stockholm. Décernés à la mémoire d’Alfred Nobel, l’inventeur de la dynamite (qu’il breveta en 1867),  ils récompensent les accomplissements qui ont « procuré le plus grand bénéfice à l’humanité ». Voici les lauréats des troix Nobels scientifiques du cru 2014.

PRIX NOBEL DE MÉDECINE : LE SYSTÈME DE POSITIONNEMENT SPATIAL DU CERVEAU DÉVOILÉ

C’est une sorte de «GPS intérieur» qu’ont découvert les trois lauréats du prix Nobel de médecine. L’américain John O’Keefe, ainsi que le couple norvégien May-Britt Moser et Edvard Moser ont mis en lumière l’existence d’un réseau de neurones dans le cerveau profond qui permet de se situer dans l’espace et de se déplacer tout en gardant conscience de notre position.

Ce système de positionnement et de navigation est l’une des fonctions cérébrales les plus complexes, puisqu’il fait recours à la fois à des informations multisensorielles (visuelles, vestibulaires, tactiles…), à la mémoire et au mouvement. Pour simplifier, il nécessite de construire un plan intérieur de l’environnement qui nous entoure, ainsi que d’avoir un «sens de l’emplacement».

Ce sont exactement ces deux capacités que les neuroscientifiques récompensés par l’Institut Karolinska de Stockholm ont expliqué par leurs travaux sur les rats, qui forment deux pièces complémentaires d’un puzzle. La première : John O’Keefe, à l’University College de Londres, a découvert en 1971 que certains neurones de l’hippocampe s’activent lorsqu’un rat se trouve à un certain emplacement dans une pièce : ce sont les neurones dits «cellules de lieu», utilisés pour bâtir un plan mental de l’environnement (voir infographie, en anglais [PDF])

La deuxième pièce a été apportée par le couple Moser en 2005, qui a révélé l’existence d’un de système de coordonnées spatiales dans le cerveau, au niveau du cortex enthorinal, une structure cérébrale adjacente à l’hippocampe. Ce système repose sur des neurones appelés «cellules de grille», disposés selon une sorte de grille hexagonale, grâce à laquelle l’animal peut s’orienter dans le plan mental qu’il a bâti à l’aide des cellules de lieu.

S&V 1141 neurones

PRIX NOBEL DE PHYSIQUE : LA MISE AU POINT DE LA LED BLEUE, BASE D’UNE NOUVELLE SOURCE D’ÉCLAIRAGE PEU COÛTEUSE ET EXTRÊMEMENT LUMINEUSE

Aujourd’hui, de plus en plus de sites et objets sont éclairés par des lampes à LED, la source la plus lumineuse et la moins coûteuse qui existe. Avec près de 300 lumen produits par watt d’électricité consommé, leur efficacité lumineuse écrase à la fois celle des ampoules à incandescence (16 lum/w) et celle des lampes fluocompactes (70 lum/w). Sans compter leur durée de vie extraordinaire : 100 000 heures (respectivement cent et dix fois plus que leurs concurrentes). Sachant qu’un quart de l’électricité mondiale sert à l’éclairage, on saisit la portée des bénéfices qui en découlent.

Si les diodes électroluminescentes (LED en anglais, pour light-emitting diod) avaient déjà été mises au point depuis les années Soixante, elles n’existaient qu’en vert et rouge. Or, pour produire de la lumière blanche, il manquait une couleur au trio : la LED bleue. Un écueil important, car la lumière bleue est composée de photons à haute énergie, difficiles à obtenir.

C’était sans compter sur la persévérance des chercheurs japonais Isamu Akasaki et Hiroshi Amano (Université Nagoya) et de l’américain Shuji Nakamura (Université de Californie à Santa Barbara), récompensés cette année par l’Académie royale des sciences suédoise. Au terme de nombreuses années d’expériences dans leurs laboratoires, l’équipe japonaise d’un côté et le chercheur américain de l’autre sont parvenus tous deux à produire une LED bleue en 1992.

Comment ont-ils fait ? Pour donner une LED, il faut superposer des couches d’un matériau semi-conducteur « dopées », c’est-à-dire enrichies en électrons (couches p) et appauvries en électrons (couches n) : elles produisent ainsi des photons, autrement dit de la lumière. Les deux équipes concurrentes ont misé sur le nitrure de gallium (GaN), un semi-conducteur émettant de la lumière bleue. Après avoir réussi à produire des couches de cristaux de GaN les plus pures qui soient, il fallait trouver le meilleur moyen de les doper. La formule gagnante ? L’addition de silicium à la couche n et de magnésium à la couche p. Par la suite, la puissance de la LED bleue a été maximisée en ajoutant de couches d’indium et d’aluminium de l’épaisseur de quelques nanomètres (voir infographie en anglais [PDF]).

Les inventions des lauréats ont tout simplement révolutionné les technologies d’éclairage actuelles. Non seulement les ampoules à LED remplacent progressivement les incandescentes et fluocompactes, mais elles peuplent également les écrans des téléphones, télévisions et ordinateurs (technologie OLED) et ont permis le développement des disques Blu-ray, fondés sur la lumière laser bleue, tellement fine qu’elle permet de stocker des informations avec une compacité inouïe.

S&V 1121 LED

PRIX NOBEL DE CHIMIE : LA MICROSCOPIE À FLUORESCENCE PERMET DE VOIR L’INVISIBLE

Grâce à eux, la microscopie est devenue « nanoscopie » : elle ne s’arrête plus aux objets de l’ordre du micromètre, elle permet de voir à l’échelle du nanomètre. Les lauréats du prix Nobel de chimie de cette année ont conçu des méthodes capables de contourner l’un des bastions de l’optique, la limite d’Abbe. Démontrée en 1837 par le microscopiste Ernst Abbe, elle stipule qu’il est impossible pour un microscope optique de discerner des objets plus petits que 0,2 micromètre (soit la moitié de la longueur d’onde de la lumière visible). Ainsi, les virus, ou les protéines, n’auraient jamais pu être visibles [PDF en anglais].

Cette barrière est tombée lorsque la microscopie a fait appel à des molécules fluorescentes. La fluorescence est une propriété physique de certaines molécules qui émettent des photons (donc de la lumière) lorsqu’elles subissent une stimulation lumineuse qui excite leurs électrons. Afin d’employer la fluorescence en microscopie, deux stratagèmes différents ont été élaborés, tous deux primés par l’Académie royale des sciences suédoise.

Le premier, mis au point en 2000 par le biophysicien allemand Stefen Hell, s’appelle microscopie STED, ou déplétion par émission stimulée (un type de microscopie à balayage) : la résolution atteinte est de l’ordre de quelques nanomètres seulement. C’est ce qu’on appelle une super-résolution.

En bref, la structure observée est teintée avec des substances fluorescentes. Ensuite, un faisceau lumineux balaye sa surface, excitant l’ensemble des molécules fluorescentes, pendant qu’un autre faisceau, au centre de celui-ci, atténue la fluorescence émise par toutes les molécules, hormis celles de taille nanométrique (voir infographie, en anglais [PDF]). Ainsi, en balayant ce faisceau sur l’ensemble de la structure observée, on obtient une image complète des nano-structures qui la composent… ce qui permet, par exemple, de voir à l’échelle d’une protéine !

L’autre méthode, élaborée grâce aux travaux indépendants des Américains Eric Betzig (Institut médical Howard Hugues) et William Moerner (Université Stanford, Californie), fait appel à de petites molécules faiblement fluorescentes, que l’on dispose le long de toute la structure à observer, et que le microscope excite en séquence. Ensuite, les images produites sont superposées, ce qui aboutit, là encore, à une image à super-résolution (voir infographie, en anglais [PDF]).

A quoi sert donc cette super-résolution ? A l’aide de leurs microscopes, que l’on pourrait rebaptiser « nanoscopes », les lauréats du prix Nobel explorent les processus les plus intimes de la matière vivante. Stefan Hell étudie les synapses entre neurones ; William Moerner mène des recherches sur les protéines liées à la chorée de Hungtinton ; enfin, Eric Betzig observe la division cellulaire au sein des embryons.

Publication de Science et Vie, Traitée par Jules Burlo pour SC Info

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