Rencontre : s’ouvrir à l’autre (Première partie)

Toujours rien. On a beau le chercher, le vouloir, lui courir après, « l’autre » ne se décide pas à entrer dans notre vie. Pourquoi ? Qu’est-ce qui bloque ? Analyse et conseils pour se rendre disponible.

« Aujourd’hui, la rencontre amoureuse est idéalisée, ardemment recherchée, constate le psychanalyste Gérard Bonnet, auteur de L’Irrésistible Pouvoir du sexe (Payot, 2001) et de L’Autoanalyse(PUF, 2010), mais cela ne signifie pas pour autant que l’on soit prêt, en réalité, à faire de la place à l’autre dans sa vie. » Autrement dit, elle dépendrait au moins autant de notre désir inconscient que de notre volonté. Aussi sincère soit-elle.

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Première partie: Les fantômes du passé

Le psychanalyste avance qu’une rencontre amoureuse n’est jamais celle de deux personnes, mais celle de deux désirs : « Cela se produit quand on se rend compte que notre désir s’articule à celui de l’autre. Mais encore faut-il être dans l’écoute du nôtre pour le percevoir, pour se laisser troubler et déranger par lui. » Toute rencontre amoureuse est un bouleversement. Des sens, des émotions, des habitudes. Un séisme que notre culture du contrôle ne nous prépare pas toujours à « encaisser ». Antoine, 42 ans, célibataire depuis trois ans et père de Léo, 7 ans, avoue avoir préféré jouer la carte de la stabilité plutôt que de voir son mode de vie transformé par une femme « fantasque et fantastique », mère de deux filles de 7 et 4 ans, dont il était pourtant follement amoureux. Il se dit toujours à la recherche de celle qui « le surprendra et le touchera sans le bousculer ». « Se lier en profondeur ne va pas de soi, indique Gérard Bonnet. Cela veut dire être capable d’ouvrir son intimité à l’autre, dans sa différence radicale, dans son inquiétante étrangeté… Et cette menace est renforcée par un discours culturel qui nie la différence des sexes, en dépit de la réalité. Or, si l’on désire accueillir la rencontre, il faudra, y compris dans la durée, affronter et se colleter avec ce que j’appelle “l’abîme de la différence”. Mais encore faut-il ne pas rechercher son semblable et s’être délesté des poids et fantômes du passé. »

« La rencontre est chargée de l’histoire transgénérationnelle, explique le psychanalyste Bernard-Élie Torgemen, auteur de Vivre, c’est magique ! (Maren Sell Éditeurs, 2007). Quand elle se produit, nous sommes toujours plus de deux : il y a moi, l’autre, et ce que chacun hérite du maternel et du paternel. Soit deux personnes réelles et quatre fantômes. La rencontre réactive ce qui, dans nos premiers liens affectifs, était de l’ordre de la fusion et de la “défusion”, versant positif et versant négatif, et, évidemment, cela engendre de la confusion. » Ce n’est qu’après trois ans d’analyse que Fanny, 37 ans, a compris qu’elle était « abonnée aux rencontres foireuses », car, inconsciemment, elle ne voulait pas rompre le lien fusionnel qui la reliait à son père. « Pour qu’il reste le premier, je minais d’avance toutes mes relations en choisissant des tocards. Depuis, je travaille à ma “libération”, ce n’est qu’à ce prix-là que je pourrai m’épanouir sur le plan affectif en rencontrant enfin le bon. »

Renoncer aux loyautés empoisonnées, aux amours oedipiennes, en finir avec les blessures et les expériences malheureuses…, c’est à cela que nous invite la rencontre amoureuse. Celle qui nous inscrit dans une nouvelle dynamique du désir. Sinon, elle n’est que répétition ou malédiction. « Elle peut, en outre, nous renvoyer à ce que j’appelle de “fausses reconnaissances”, prévient Bernard-Élie Torgemen. Quand quelque chose dans l’autre nous rappelle plus ou moins consciemment une figure forte de notre passé affectif, attention à ne pas le prendre pour un signal positif. Au contraire, cela mérite interrogation et vigilance. »

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