Rencontre : s’ouvrir à l’autre (Deuxième partie)

Toujours rien. On a beau le chercher, le vouloir, lui courir après, « l’autre » ne se décide pas à entrer dans notre vie. Pourquoi ? Qu’est-ce qui bloque ? Analyse et conseils pour se rendre disponible.

« Aujourd’hui, la rencontre amoureuse est idéalisée, ardemment recherchée, constate le psychanalyste Gérard Bonnet, auteur deL’Irrésistible Pouvoir du sexe (Payot, 2001) et de L’Autoanalyse(PUF, 2010), mais cela ne signifie pas pour autant que l’on soit prêt, en réalité, à faire de la place à l’autre dans sa vie. » Autrement dit, elle dépendrait au moins autant de notre désir inconscient que de notre volonté. Aussi sincère soit-elle.

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Deuxième partie: une histoire de corps

Selon Gonzague Masquelier, auteur de La Gestalt aujourd’hui, choisir sa vie (Éditions Retz, 2008), gestalt-thérapeute, avant d’aller vers une nouvelle rencontre, « il faudrait nettoyer les vieilles blessures de notre vie affective, toutes les émotions bloquées qui sont encore actives (tristesse, rancoeur, colère) et qui nous empêchent d’accueillir l’autre ». Il ajoute que, parmi les toxiques du passé, se trouvent aussi ce que l’on appelle en gestalt-thérapie les introjections, c’est-à-dire les croyances erronées ou limitantes que nous avons héritées de l’enfance ou intégrées à la suite d’expériences malheureuses. « Cela va des généralités sur les hommes ou les femmes aux préjugés sur le couple ou la sexualité, en passant par des certitudes sur nos prétendus manques ou incompétences », détaille Gonzague Masquelier, qui estime que seule une prise de conscience de leur existence et de leur nuisance peut nous en libérer.

Mais, une fois les fantômes du passé neutralisés et les freins levés, reste à affronter la peur, soeur jumelle du désir. « Elle est un élément central dans le processus de la rencontre, affirme Bernard-Élie Torgemen. Elle est à la fois “facilitante” et inhibante. » Pour le psychanalyste, elle agit sur trois niveaux : la réalité (comment l’aborder, me comporter ?), l’imaginaire (la prochaine fois, je dirai ceci, proposerai cela), et enfin le fantasme (il ou elle suscite tel désir, tel souvenir, telle image en moi). Selon l’histoire de chacun, la peur pourra ouvrir ou fermer à la rencontre. La meilleure disposition ? « Être dans son physique, dans ses sens, poursuit Bernard-Élie Torgemen. Les inconscients ne sont pas seuls à entrer en relation, il y a aussi les corps. Une belle rencontre affective et intellectuelle peut devenir stérile si on ne ressent pas l’autre, avec son nez, sa peau… Le corps, c’est l’animal convié à la fête de l’amour, il faut lui laisser un espace pour qu’il puisse s’exprimer et nous parler. » Cela exige que l’on accepte de sortir, au moins momentanément, du contrôle (mon image, mon objectif), que l’on abandonne nos attentes trop formatées, ainsi que nos critères trop rigides sur notre partenaire idéal.

« Il s’agit au contraire de repérer les failles, les imperfections, les singularités de l’autre, insiste le psychanalyste. C’est dans cette brèche, féconde en surprises, en richesses, que se fait l’amour. Il faut en finir avec cette guerre narcissique qui pousse aujourd’hui chacun à chercher dans l’autre un miroir flatteur. » Prendre le risque de s’ouvrir à l’autre, c’est aussi prendre le risque de déplaire, en froissant une certaine image de soi. En bousculant des critères sociaux, voire raciaux ou religieux. Ou, plus simplement, en se surprenant soi-même. Simon-Pierre, 41 ans, divorcé depuis deux ans, a épousé l’été dernier une femme de son âge, « brune et joliment ronde », alors qu’il n’était ému que par les longues jeunes femmes de type nordique. « J’ai mis cinq mois avant de me dire que j’étais amoureux de Lara. Quand elle n’était pas avec moi, tout me paraissait compliqué et terne. Elle a séduit mes amis en même temps que moi, elle a fait de mon appartement un vrai foyer ouvert à mes proches, ce qui n’était pas le cas avec mon ex-épouse, aussi belle que glacée, dans tous les sens du terme. »

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