Rencontre : s’ouvrir à l’autre (Troisième partie)

Toujours rien. On a beau le chercher, le vouloir, lui courir après, « l’autre » ne se décide pas à entrer dans notre vie. Pourquoi ? Qu’est-ce qui bloque ? Analyse et conseils pour se rendre disponible.

« Aujourd’hui, la rencontre amoureuse est idéalisée, ardemment recherchée, constate le psychanalyste Gérard Bonnet, auteur deL’Irrésistible Pouvoir du sexe (Payot, 2001) et de L’Autoanalyse(PUF, 2010), mais cela ne signifie pas pour autant que l’on soit prêt, en réalité, à faire de la place à l’autre dans sa vie. » Autrement dit, elle dépendrait au moins autant de notre désir inconscient que de notre volonté. Aussi sincère soit-elle.

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Troisième partie:

Selon Rose-Marie Charest, psychologue et auteure de La Dynamique amoureuse, l’alchimie du couple (Albin Michel, 2011), une vraie rencontre amoureuse entraîne toujours des bouleversements, extérieurs et intérieurs. Elle est puissamment transformatrice. « Il ne s’agit pas simplement d’un lien qui s’ajoute à tous les autres, mais d’une expérience de créativité : c’est un nouveau territoire à construire, qui empiète nécessairement sur les territoires individuels. » Pour la psychologue, une rencontre ne peut se transformer en relation que si l’on est capable, à partir de son identité singulière, d’en forger une nouvelle à deux. Non pas en se fondant dans l’autre ni en l’absorbant, mais en produisant, à son contact, du neuf. Dans son comportement, ses croyances, sa façon de penser… Cela exige de chacun qu’il se laisse surprendre par l’autre comme par lui-même, en mettant entre parenthèses, pour un temps au moins, ses certitudes et ses habitudes. « On pourrait dire de certaines rencontres qu’elles permettent de prendre contact avec le meilleur de soi-même », conclut Rose-Marie Charest. Un « meilleur » souvent en jachère, étouffé par les scénarios de répétition ou par les peurs, qui inhibent désir et confiance en soi.

Entre eux, c’était mal parti

Tatiane, 28 ans, aide maternelle, et Miguel, 27 ans, maçon, en couple depuis huit ans

Tatiane : « On travaillait dans le même bar, moi comme serveuse, lui comme agent de sécurité. Il m’insupportait. Il était prétentieux, macho, inintéressant. C’est sûr, il avait un corps de rêve, le contraire de mon amoureux, un gringalet. Mais quelle arrogance ! J’avais beau l’éviter, décliner ses invitations à boire un verre, il ne me lâchait jamais. Une nuit, il m’a défendue face un client soûl et agressif. Je lui ai hurlé de ne pas se mêler de mes affaires. Il ne m’a plus adressé la parole pendant quinze jours… Et bizarrement, qu’il ne me regarde plus m’énervait. Un après-midi, je discutais avec ma cousine dans le bar quand Miguel est venu lui dire bonjour. Pas à moi ! Il nous a proposé de venir passer la soirée chez lui, en précisant : “Il y aura ma petite amie.” Je ne sais pas ce qui m’a pris, je me suis levée brusquement, dans une colère noire ! Ma cousine me soutenait que j’étais amoureuse, je lui rétorquais que non. Le soir, avant d’arriver chez Miguel, je me suis mise à trembler. Mon coeur cognait si fort que je me suis accrochée au bras de ma cousine. En bas des escaliers, il me regardait m’approcher. Et moi, je cherchais sa petite amie. Il n’y avait personne. Pour la première fois, nous avons discuté. Du travail, de mon pays d’origine, le Brésil. On se dévorait du regard. On a fini par s’embrasser. Il avait réussi à exploser ma carapace de femme forte. Notre nuit d’amour a scellé mes sentiments pour lui. Je n’avais jamais ressenti un tel plaisir. »

Miguel : « La première fois que je l’ai croisée, je l’ai trouvée quelconque. Et puis, à force de la côtoyer, je me suis mis à la regarder. Elle incarnait mon style de femme : cheveux longs, bien habillée, féminine, caractère trempé. Impossible de ne pas craquer ! Sauf que, étant en couple, je voulais juste une histoire d’un soir. Chaque matin, je lui disais : “Bonjour, un café ?” Et en fin de journée : “Bonsoir, un verre ?” Elle m’ignorait. Un soir, nous nous sommes retrouvés dans le même pub, avec sa cousine qui sortait avec mon cousin. Elle a fini par accepter de me parler. On était bien ensemble. Vers la fin de la soirée, elle m’a lancé : “Tu me donnes un baiser ou je te le vole ?” Elle avait bu un verre de trop… Évidemment, je n’ai pas refusé. Et on ne s’est plus quittés. Mais notre relation restait une histoire de gamins, je n’avais pas de sentiments pour elle. Jusqu’au jour où j’ai vu son petit ami la prendre dans ses bras… Ça m’a rendu fou de jalousie. Nous sommes restés fâchés quelques jours et je me suis vu me comporter de façon totalement inhabituelle : je m’énervais contre tout le monde. En fait, j’étais tombé amoureux. Finalement, nous avons mis fin aux liaisons que nous avions par ailleurs et Tatiane est devenue ma priorité. Je ne sortais même plus faire la fête avec mes amis. Je voulais seulement être avec elle. Quatre ans plus tard, elle est tombée enceinte, nous nous sommes mariés et je suis toujours fou d’elle. »

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